Anjali Bhardwaj, Asia Regional Manager, Adolescent and Women's Health and Nutrition.

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La pandémie de la COVID-19 a précipité une crise de malnutrition. À un moment où le monde a le plus besoin de résilience face à la maladie, les systèmes de santé débordés, les chaînes d’approvisionnement rompues et le pouvoir d’achat réduit ont laissé des millions de personnes au monde sans la nutrition nécessaire pour renforcer leur immunité. Pour aggraver encore plus cette crise, la propagation de la désinformation mine le travail des campagnes de santé et des pratiques nutritionnelles favorables adoptées au cours de la dernière décennie, dont l’une des plus critiques pour les mères et les bébés : l’allaitement maternel.

Le lait maternel agit comme le premier vaccin du bébé et est naturellement enrichi de nutriments et d’anticorps vitaux qui le protègent à vie contre les infections et les maladies. Il améliore la santé, l’immunité et la cognition du nourrisson, réduit le risque de retard de croissance et augmente le taux de survie. L’allaitement maternel est rentable et, s’il est étendu à 75 pays clés, il pourrait sauver la vie de 823 000 enfants de moins de cinq ans et éviter que 20 000 femmes meurent du cancer du sein chaque année.[1]

Malgré les données probantes qui confirment ses avantages immédiats et à long terme pour la santé, l’initiation et la poursuite de l’allaitement maternel au moment opportun ne sont pas largement pratiquées dans de nombreuses régions du monde. Au Pakistan, bien qu’il existe des campagnes dans les médias et des directives nationales encourageant l’initiation précoce à l’allaitement maternel, seul un bébé sur cinq est allaité dans l’heure qui suit sa naissance. En Inde, au Bangladesh, en Indonésie et aux Philippines, les taux d’allaitement maternel exclusif (qui consiste à ne donner que du lait maternel pendant les six premiers mois de la vie du bébé) varient entre 45 et 65 %, ce qui est bien inférieur à ce qui est nécessaire pour une pratique universelle qui peut sauver des vies. Les raisons sont notamment le manque de connaissances, de temps et de soutien, la désinformation et la grande disponibilité des substituts au lait maternel (en anglais).

La crise de la COVID-19 a entraîné une série de défis nouveaux et uniques. L’accès perturbé aux services de santé, comprenant les soins prénataux (ANC) et les conseils interpersonnels, a fait que de nombreuses femmes ne reçoivent pas les informations et le soutien essentiels en matière de santé et de nutrition au moment où elles en ont le plus besoin. Les données préliminaires de l’Inde montrent que les inscriptions aux soins prénataux sont passées de 99 % en janvier à 67 % en mars (le premier mois de confinement du pays). La confusion et la désinformation, associées à la crainte de la propagation de la maladie, ont également fait que certains établissements de santé séparent de manière inappropriée les nouveau-nés des mères et découragent l’allaitement maternel. En juillet, pourrait entraîner 16 469 décès supplémentaires d’enfants cette année, dans 129 pays à faibles et moyens revenus.

Pour favoriser l’allaitement maternel et contrer la diffusion de fausses informations, l’UNICEF et l’OMS ont publié l’Appel à l’action pendant la crise de la COVID-19, de la part du Collectif mondial de l’allaitement maternel (en anglais), qui comprend des mesures importantes pour protéger la pratique essentielle de l’allaitement maternel pendant la pandémie. En évaluant les risques d’infection par la COVID-19 et les risques de morbidité et de mortalité associés à l’absence de l’allaitement, il est conseillé aux mères de continuer à allaiter tout en veillant à l’hygiène.

Pour garantir que l’allaitement maternel soit protégé, promu et soutenu tout au long de la pandémie, les prestataires de services et le personnel hospitalier doivent être sensibilisés aux directives, afin qu’ils soient prêts et capables d’aider les mères à initier et à maintenir l’allaitement maternel. Les réseaux de soutien, tant en ligne que hors ligne, où les femmes reçoivent des informations, des conseils et des orientations sur l’allaitement maternel, sont un moyen important pour les mères d’accéder à des connaissances et d’y trouver des ressources. Les campagnes à grande échelle dans les médias peuvent également contribuer à démystifier l’allaitement maternel dans les communautés urbaines et rurales. Des études de cas et des témoignages de femmes qui ont été déclarées positives à la COVID-19, mais qui ont continué à allaiter directement ou par le biais du lait exprimé peuvent également donner un exemple favorable et démontrer les énormes avantages que procure l’allaitement maternel.

L’inclusion et l’engagement des conjoints et des autres membres de la famille dans la création d’un environnement réconfortant à la maison jouent également un rôle important dans la pratique et la poursuite de l’allaitement. Pour cela, il est impératif d’éduquer les familles et les communautés sur les besoins nutritionnels d’une mère allaitante et sur l’importance de partager les responsabilités domestiques entre les autres membres de la famille, afin que la nouvelle mère puisse se concentrer sur sa santé et celle de son bébé.

Au-delà des ménages et des communautés, un environnement politique favorable peut aider les femmes à se sentir habilitées à allaiter. Les pays qui ont mis en œuvre des politiques progressistes et encouragé des changements favorables, tels que l’allongement du congé de maternité et du congé parental, ont constaté une amélioration des taux d’allaitement et une diminution connexe de la morbidité et de la mortalité infantiles.

Aujourd’hui, alors que les dirigeants mondiaux travaillent sans relâche sur la réponse à la COVID-19, il est essentiel que nous ne perdions pas les gains durement acquis en matière de développement que nous avons réalisés. À la fin du mois d’août 2020, 48 pays sur 127 (38%) au monde ont connu au moins quelques perturbations (en anglais) dans leurs programmes de protection et de promotion de l’allaitement. Un long chemin reste à parcourir pour promouvoir l’allaitement maternel et faire en sorte que les taux réduits d’allaitement ne demeurent pas permanents. Compte tenu de la crise sanitaire actuelle, cela n’a jamais été aussi important : il faut s’assurer que nous vainquions le virus dès maintenant et garantir un avenir sain aux générations à venir.

 

[1] CG Victoria, R Bahl, AJB Barros, et. al. Breastfeeding in the 21st century: epidemiology, mechanisms, and lifelong effect (L’allaitement maternel au XXIe siècle : épidémiologie, mécanismes et effets sur toute la durée de vie (en anglais)). Lancet, 387 (2016), pp. 475- 490