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2020, conjoncture importante pour la nutrition.

Le début des cinq dernières années qu’il nous reste pour réaliser les Cibles mondiales de nutrition 2025 de l’Assemblée mondiale de la Santé (AMS) se pointe à l’horizon. Nous serons aussi à mi-parcours de la Décennie d’action des Nations Unies (ONU) pour la nutrition et le Japon accueillera le Sommet de la nutrition pour la croissance. Malgré les immenses progrès accomplis en matière de nutrition, j’ai une préoccupation grandissante sur son avenir en tant que priorité mondiale.

Je m’inquiète qu’aujourd’hui, la fragmentation de la nutrition n’a jamais été aussi grande. Je m’inquiète que l’absence d’un message ciblé et de priorités claires nous fasse perdre notre élan mobilisateur. Ces ingrédients risquent d’inciter les donateurs et les pays à se tourner vers d’autres secteurs où des progrès plus tangibles se manifestent. Je m’inquiète que la nutrition « perde » son statut de priorité mondiale et que ce soit les personnes que nous sommes censés aider qui en paieront le prix. À mon retour de l’Assemblée générale des Nations Unies (AGNU) il y a quelques semaines, je me suis demandé dans quelle mesure nous, les acteurs de la communauté mondiale de la nutrition, faisions de fait partie du problème.

Bien des gens procèdent à des analyses rétrospectives quand les choses tournent mal pour déterminer ce qui s’est passé et ainsi corriger le tir. Je crois sincèrement que le temps est venu de procéder à une analyse « prospective » honnête en matière de nutrition. En analysant certains risques aptes à déloger la nutrition en tant que priorité mondiale, tentons de trouver le moyen de les éviter au passage. Je partage ces réflexions dans l’espoir de faire jaillir vos idées sur l’écosystème nutritionnel. Que devrions-nous faire de plus, ou de moins ? Sommes toutes, nous devons monter un argumentaire des plus robustes pour que la nutrition conserve sa priorité sur l’échiquier mondial.

Risques et enjeux

Messages diffus, confus et flous.

Avez-vous déjà braqué un faisceau lumineux sur un mur et observé un chat le pourchasser à chaque déplacement ? Amusant, n’est-ce pas ? Ajoutez une douzaine de chats et le divertissement s’accroît d’autant. Ils courent tous à sa poursuite. Maintenant, ajoutez douze faisceaux lumineux. C’est le chaos ! En ce moment, la communauté mondiale de la nutrition semble aux prises avec le même phénomène. Les acteurs pourchassent un large éventail d’objets brillants sans effort de priorisation ou d’unification, efforts pourtant nécessaires pour réellement mettre des actions concrètes et mesurables à l’échelle.

Domaine complexe, la nutrition comprend un mélange de notions connues et d’enjeux encore à découvrir. De plus, nous explorons et évaluons l’impact de la nutrition sur d’autres problèmes connexes. Chose certaine, nous devons combler les lacunes en matière de données et de preuves. Cependant, une cacophonie de voix – voire un dialogue de sourds – enveloppe l’écosystème nutritionnel actuel.

Les problèmes et les solutions fusent de toutes parts. Certains diront que l’alimentation et les systèmes alimentaires constituent la question la plus importante et que le secteur privé détient la réponse. À l’opposé, d’autres diront que nous devrions nous concentrer sur la réglementation puisque le problème, c’est le secteur privé. Certains avanceront que l’agriculture et la sécurité alimentaire nous offrent la meilleure piste, ou encore que le bioenrichissement génétique sert de solution ultime. D’autres souhaiteront mettre l’accent sur l’obésité et les maladies non transmissibles, ou encore sur le double ou le triple fardeau de la malnutrition. D’autres encore préconiseront une approche axée sur le développement de la petite enfance (DPE) ou appelleront à des interventions accrues durant la fenêtre des 1000 premiers jours.

On souligne souvent l’importance d’une approche multisectorielle ou d’une approche centrée sur le capital humain. Les changements climatiques et leur impact catastrophique sur les personnes et la planète ont mené à des débats publics sur les vertus des régimes alimentaires à base de plantes par rapport à ceux à haute teneur en protéines. Et, suivant une cadence régulière, on nous bombarde d’études très médiatisées qui démontrent que le café, le vin, et le chocolat (pour ne nommer que ceuxlà) vont soit nous tuer, soit prolonger nos vies.

La Décennie d’action des Nations Unies pour la nutrition 2016-2025 risque de devenir la Décennie de réunions sur la nutrition.

Lorsque nous prêtons l’oreille aux propos de la communauté mondiale de la nutrition et aux nombreux messages qu’elle véhicule, nous saisissons bien pourquoi les gens ne savent plus où donner de la tête. Où commencer ? Que faut-il faire ? Comment le faire ? À quel coût et avec quel impact ? Si nous accordons la priorité à tout, sans tenir compte de la présence de preuves ou de leur robustesse, peut-on vraiment parler de priorité ? Dans un environnement aux ressources épuisables, il s’agit d’une erreur fatale. La Décennie d’action des Nations Unies pour la nutrition 2016-2025 risque de devenir la Décennie de réunions sur la nutrition.

La concurrence pour les ressources entrave l’unité et l’harmonisation, et taxe l’effet multiplicateur de la nutrition.

Considérons cet exemple : les nombreux messages en nutrition dont j’ai fait état plus tôt se présentent souvent comme étant « meilleurs » (plutôt que « complémentaires » ou « faisant partie ») que les autres messages d’organismes en quête de financement pour ces mêmes enjeux. Les acteurs du milieu, en conflit avec le besoin de promouvoir les intérêts de leur propre organisation, influencent le discours mondial sur la nutrition. Cette concurrence pour obtenir une part d’un gâteau déjà trop petit est futile. Il faut faire front commun pour avoir une meilleure chance d’accroître la taille du gâteau.

Des obstacles majeurs entravent les efforts requis pour maintenir la nutrition au sommet de l’échiquier mondial

Lors du dernier cycle d’objectifs mondiaux, la nutrition s’est affichée comme « l’objectif du millénaire pour le développement oublié », puisqu’elle avait stagné au cours des décennies antérieures. La série sur la dénutrition maternelle et infantile du magazine Lancet de 2008 faisait appel à une plus grande action concertée après avoir conclu que l’écosystème nutritionnel mondial :

«… souffrait de fragmentation, d’un manque de données probantes pour prioriser les interventions, d’inertie institutionnelle, et d’incapacité à s’associer à des développements prometteurs dans des secteurs parallèles. »

En 2010, la création du Mouvement Sun (mouvement de mise à l’échelle d’interventions en nutrition) offre un point de ralliement. Puis, en 2013, la série sur la nutrition maternelle et infantile du magazine Lancet propose une voie fondée sur la preuve pour sauvegarder et améliorer la vie de millions de personnes. Le Sommet de la nutrition pour la croissance 2013 et des leaders du Royaume-Uni, de la Fondation Bill & Melinda Gates (BMGF), et de la Fondation Children’s Investment Fund, ont réussi à amasser plus de quatre milliards de dollars pour atteindre des objectifs robustes centrés sur les personnes d’ici 2020. Des objectifs tels qu’améliorer la nutrition de 500 millions de femmes enceintes et de jeunes enfants, réduire de 20 millions de plus les retards de croissance chez les enfants de moins de cinq ans, et sauver la vie d’au moins 1,7 million d’enfants. De là sont nées la Décennie d’action des Nations Unies pour la nutrition et les Cibles mondiales de nutrition 2025 de l’AMS.

Depuis le Sommet de la nutrition pour la croissance de 2013, les efforts visant à reproduire ce modèle mondial pour encadrer la nutrition ont échoué. De surcroît, nous devons surmonter de nouveaux risques alors que nous nous approchons du Sommet 2020 au Japon. En plein désarroi politique, le Royaume-Uni, dont le leadership est essentiel au succès du Sommet, pourrait ne pas être en mesure de prendre la direction du mouvement comme il l’a fait en 2013. La BMGF vient d’entreprendre le « rafraîchissement de sa stratégie » en matière de nutrition et le résultat ne sera connu que plus tard (je n’en demeure pas moins optimiste à cet égard). Tout l’appareil du développement connaît une fatigue de renouvellement croissante et un grand nombre de priorités réclament de l’attention, du financement et des champions. Malgré les beaux efforts du gouvernement du Japon, l’absence de priorités claires, de champions robustes et d’un front commun signifie que la nutrition risque de devenir l’objectif de développement durable (ODD) oublié, mettant ainsi en danger le succès de tous les autres objectifs.

Que nous réserve l’avenir ?

Voici quelques réflexions sur la manière de maintenir la nutrition en tête de la liste des priorités mondiales et susciter des progrès et un dynamisme plus importants :

1. Adopter une approche centrée sur les gens, sur les femmes, les adolescentes et les enfants en particulier.

Pour vaincre le cycle intergénérationnel de la malnutrition et de la pauvreté, nous devons mettre l’accent sur les femmes, les adolescentes et les enfants. Cela signifie placer leurs besoins au centre de notre planification et de nos priorités. Plus précisément, nous devons nous concentrer sur ceux et celles qui ont des besoins nutritionnels particulièrement aigus, soit les femmes et les femmes enceintes, les adolescentes, les nouveau-nés et les enfants. Il faut donc faire tout notre possible pour que les plus vulnérables d’entre eux – d’un pays, d’une région et d’un district – reçoivent la bonne nutrition au bon moment.

Pour vaincre le cycle intergénérationnel de la malnutrition et de la pauvreté, nous devons mettre l’accent sur les femmes, les adolescentes et les enfants – placer leurs besoins au centre de notre planification et de nos priorités.

2. Mettre l’accent sur les Cibles mondiales de nutrition de l’AMS et redynamiser une approche nutritionnelle axée sur la santé publique.

L’écosystème nutritionnel possède un atout majeur dans la lutte contre la malnutrition – six cibles de nutrition mondiales, assorties d’échéances, à atteindre d’ici 2025 – et tous les pays y ont souscrit. La malnutrition représente la cause sous-jacente de près de la moitié des mortalités infantiles (5,3 millions d’enfants en 2018). Récemment, en Inde, une étude a estimé ce taux à 68 %. Si nous mettions à l’échelle la liste des actions essentielles en nutrition de l’Organisation mondiale de la Santé, nous pourrions sauver 3,7 millions de vies d’ici 2025. À elle seule, la mise à l’échelle de l’allaitement maternel permettrait de sauver 800 000 vies chaque année.

Nous devons nous mettre au diapason face à l’importance de ce programme inachevé, au manque de ressources et à l’impact que nous pouvons avoir si nous visons juste. Plus particulièrement, nous devons déployer les interventions qui font une différence mesurable plus rapidement. À titre d’exemple, mentionnons la supplémentation en vitamine A, la supplémentation de micronutriments multiples pour les femmes enceintes, la prise hebdomadaire de fer et d’acide folique pour les adolescentes, le traitement de la diarrhée avec le zinc et les SRO, le traitement approprié pour endiguer la malnutrition aiguë grave, l’allaitement maternel exclusif (l’élément le plus important du système alimentaire) et l’enrichissement. Nous devons renforcer les systèmes des pays afin qu’ils puissent délivrer ces interventions. Entretemps, nous devons combler les lacunes en matière de données et œuvrer à établir la preuve nécessaire à la mise en place de nouvelles interventions.

Les cibles de nutrition de l’AMS déclenchent le signal d’alarme en vue de la réalisation des ODD en 2030.

Comprenez-moi bien, je crois que les enjeux pris en charge par la communauté de la nutrition ont tous une importance, mais à divers degrés selon les données probantes, l’impact et l’échéancier. Selon moi, les cibles de nutrition de l’AMS sont le signal d’alarme en vue de la réalisation des ODD en 2030 : elles sont plutôt tangibles et arrivent à échéance dans cinq ans. Si nous ratons ces cibles par manque d’accélération mesurable des progrès faute d’avoir pu générer l’attention et l’urgence requises, les donateurs et les gouvernements pourraient fort bien accorder la priorité de financement à d’autres secteurs qui offrent un plus grand impact que la nutrition.

 

3. Établir un plan mesurable et fondé sur des données probantes pour atteindre les cibles de nutrition de l’AMS.

Contrairement à la poliomyélite et la tuberculose (TB), il n’y a pas de plan mondial pour mettre fin à la malnutrition.  Nous avons un mouvement, mais il n’existe pas de partenariat bien financé ou de Fonds mondial pour la nutrition semblable à celui qui a accéléré les progrès dans la lutte contre le SIDA, la TB, le paludisme ou pour la vaccination. Ces enjeux font l’objet de plans mondiaux, de partenariats dotés de ressources suffisantes, de messages ciblés et de financement spécifique.

Plusieurs pays ont élaboré leurs plans nationaux de nutrition ou sont en train de le faire. De nombreux partenaires apportent leur soutien d’une manière ou d’une autre. Cependant, j’aimerais spécifiquement voir les organisations et les structures se doter de plans mondiaux en matière de nutrition, chiffrés et fondés sur des données probantes. Ces plans devraient aussi définir clairement comment accélérer et mesurer le progrès vers les cibles de l’AMS. Il s’agirait d’un bon point de départ pour rallier tous les efforts.

Nous savons que la mise à l’échelle des interventions fondées sur la preuve ne suffira pas pour atteindre les cibles mondiales. Nous devrons également exploiter tout le potentiel de l’éducation, du programme de l’eau, de l’assainissement et de l’hygiène (WASH), du développement de la petite enfance, de l’agriculture et des systèmes alimentaires pour y arriver. Notre attention devra donc porter sur la mise à l’échelle de ce qui fonctionne et sur l’établissement de preuves dans ces secteurs entre autres.

 

4. Trouver des moyens innovateurs pour intégrer la nutrition dans des plateformes et des secteurs de prestation existants.

Nous devons trouver une manière d’utiliser d’autres plateformes pour apporter une bonne nutrition au bon moment, plus rapidement et à moindre coût. Réfléchissez à ce qui suit : la malnutrition compromet le développement du système immunitaire et du cerveau, les deux plus importants atouts dont dispose un être humain.

Un système immunitaire affaibli explique pourquoi 30 % des personnes atteintes de tuberculose ont la malnutrition comme principale cause sous-jacente. C’est aussi pourquoi un enfant mal nourri atteint de paludisme court deux fois plus de risques de mortalité. La malnutrition constitue également un facteur essentiel pour déterminer l’état de santé des personnes aux prises avec le VIH/sida. L’efficacité des vaccins entre aussi en jeu : le corps d’un enfant mal nourri ne pourra produire la réponse immunitaire robuste nécessaire. Lorsque la malnutrition compromet le développement du cerveau, l’impact se fera aussi sentir sur les résultats scolaires. Peu importe le nombre d’enseignants formés, de livres achetés ou d’écoles construites, nous n’atteindrons jamais les cibles en matière d’éducation si les enfants ont subi des dommages cognitifs dus à la malnutrition avant même d’avoir franchi la porte.

Des organisations telles que l’Alliance Gavi, le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme ou le Partenariat mondial pour l’éducation investissent des milliards de dollars chaque année pour intensifier des interventions fondées sur des données probantes. La malnutrition compromet fortement leurs résultats; il est donc dans l’intérêt de tous d’en faire beaucoup plus pour mettre les interventions en nutrition à l’échelle. Nous devons donc adopter une approche qui « saisit toutes les occasions » et déterminer comment travailler avec d’autres organisations. Nous devons les appuyer et nous en servir comme levier d’accélération des progrès vers les cibles mondiales de l’AMS, et éventuellement atteindre les ODD. Nous essayons tous d’atteindre les mêmes personnes : c’est donc la bonne chose à faire.

À l’aide de moyens novateurs et opportuns, nous devons également saisir des occasions en tendant la main à d’autres secteurs pour assurer la prestation de toute la gamme d’interventions fondées sur les données probantes. L’école devrait servir de plateforme pour administrer les suppléments hebdomadaires de fer et d’acide folique dans les régions où les adolescentes scolarisées souffrent de taux élevés d’anémie, par exemple. La plateforme scolaire pourrait aussi servir à sensibiliser les jeunes à l’importance d’une saine alimentation et d’autres enjeux comme la santé sexuelle et reproductive, importance souvent beaucoup plus difficile à souligner de manière isolée.

Nous devons adopter une approche qui « saisit toutes les occasions » et déterminer comment travailler avec d’autres organisations, les appuyer et s’en servir comme levier pour accélérer les progrès.

Nous devrions utiliser les avenues de prestation de services existantes pour déployer rapidement de nouvelles interventions en matière de nutrition. L’iodation du sel, par exemple, représente l’une des plus grandes réussites sanitaires mondiales en nutrition et a atteint des milliards de personnes. Faisons de même pour le sel doublement fortifié afin de lutter contre l’anémie et la carence en iode, comme le fait actuellement le Madhya Pradesh. Cette nouvelle intervention peut être mise à l’échelle immédiatement. Les preuves en nutrition de la mère démontrent que les suppléments de micronutriments multiples ont un impact plus important sur le faible poids à la naissance et sur d’autres problèmes. Distribuons-les à la place des suppléments de fer et d’acide folique lorsque la situation le justifie. Nous devons cibler les programmes de protection sociale pour qu’ils offrent des aliments enrichis de qualité aux populations vulnérables au lieu des produits de base les moins coûteux et de moindre qualité. Nous pouvons accélérer notre cadence en matière de nutrition si nous adoptons systématiquement cette manière de penser. Nous connaissons déjà les avantages associés à un grand nombre de ces démarches; il nous faut simplement mieux les cibler et les financer.

 

5. Renforcer le leadership.

Nous avons constaté des progrès prometteurs en nutrition au cours des dernières années. À titre d’exemple, notons la création du programme « Power of Nutrition » (La puissance de la nutrition), une initiative de financement novatrice axée sur la mise à l’échelle d’un ensemble d’interventions fondées sur des données probantes. Il y a aussi le Cadre d’investissement pour la nutrition de la Banque mondiale, qui a chiffré les coûts de mise à l’échelle et l’impact potentiel d’interventions semblables. Nous avons également été témoins de l’accroissement significatif du financement en nutrition qui a suivi la priorité que l’ancien président de la Banque mondiale Jim Kim a accordée à la nutrition.

Le leadership du président Adesina de la Banque africaine de développement qui, avec le soutien du partenariat « Banking on Nutrition », « Big Win Philantrophy » et de la Fondation Dangote, a permis à la BAD de se concentrer plus délibérément sur les personnes et le développement des « infrastructures de la matière grise ». Plus de 60 pays se sont joints au Mouvement SUN pour signifier leurs intentions. Plus récemment, la nomination de 27 dirigeants mondiaux au groupe de direction du Mouvement SUN, sous l’habile direction d’Henrietta Fore de l’UNICEF, donne l’occasion d’y apporter une attention renouvelée. Il ne s’agit que de quelques exemples.

Vu l’importance du moment et la nature fragmentée de l’écosystème nutritionnel, les responsables de la nutrition doivent unir les différentes voix, les différents programmes et les différentes organisations derrière un objectif commun. Plus particulièrement, nous devons non seulement acclamer les réussites, mais aussi poser un regard critique sur notre rendement lorsque les choses pourraient s’améliorer. La vision, la créativité, la diplomatie et une bonne compréhension de l’économie politique sont d’autant plus essentielles pour surmonter les différences, harmoniser les activités, accroître l’élan et générer un impact. Voilà une tâche colossale à laquelle beaucoup ont consacré du temps et des efforts véritables, mais il est temps de lancer un nouvel appel à l’action. Les dirigeants en matière de nutrition doivent, de manière urgente, parler de l’existence et de l’importance des cibles de l’AMS avec beaucoup plus d’insistance, d’intention et de cohérence – surtout à l’approche du Sommet de la nutrition pour la croissance au Japon. Le coût de l’échec s’avère trop important pour l’ignorer.

Conclusion

Nous pouvons accélérer les progrès en nutrition. Pour y arriver, nous devons mettre à l’échelle les interventions qui fonctionnent et soutenir les pays pour qu’ils puissent mettre en œuvre des méthodes de déploiement novatrices. Nous devons également constituer des bases de données probantes dans d’autres domaines prometteurs. Nous devons nous y mettre pour accélérer le progrès vers les cibles mondiales et démontrer que les résultats qu’apporte la nutrition méritent qu’on y investisse. Nous devons rester centrés sur les personnes, surtout les femmes, les adolescentes et les enfants – et les placer au centre de tout ce que nous faisons, car elles font partie de la solution qui mettra fin à la malnutrition.

Il faut sonner l’alarme sur les cibles mondiales en nutrition.

Le Sommet de la nutrition pour la croissance qui aura lieu au Japon à la fin de 2020 nous offre notre prochaine occasion pour le faire. À l’instar d’un pistolet de départ, le Sommet amorce le sprint final de cinq ans vers les Cibles mondiales en nutrition de l’AMS 2025. D’ici là, nous devons faire tout notre possible pour encourager les pays, les donateurs et nos partenaires à prendre des engagements clairs qui démontrent comment ils prévoient accélérer le progrès vers la réalisation des cibles. Un cadre détaillé de responsabilisation – assorti de moyens pour mesurer les engagements – fera partie intégrante du Sommet. Si nous mettons l’accent sur l’impact des cibles de l’AMS et les ODD, nous avons toutes les raisons de croire que nous pouvons rassembler des ressources semblables à celle de Gavi et du Fonds mondial.

La malnutrition est une question de justice sociale – elle symbolise les inégalités sur la planète. Les gens qui vivent dans la pauvreté en subissent les pires conséquences. Ils n’ont pas les moyens de se procurer des aliments nutritifs ou des interventions à faible coût et à impact élevé qui pourraient leur sauver la vie et changer la trajectoire de leur développement. Ils ne peuvent se permettre d’attendre. Il est grand temps de sonner l’alarme sur les cibles mondiales en nutrition et d’apporter un nouveau niveau d’attention et d’harmonisation à nos efforts pour les réaliser.